Sur la scène du sport, cette victoire espérée de tous s’avérera peut-être le plus fabuleux moment de l’année 2018.
Nous vivons une époque fabuleuse. La plus importante barrière à avoir été abaissée dans le monde du sport au cours des dix dernières années est celle du temps. Non seulement les plus grands athlètes de notre époque parviennent-ils à atteindre des niveaux de performance inouïs, ils sont aussi capables de dominer sur de plus longues périodes.
Tom Brady est dans la quarantaine et continue de mener les Patriots jusqu’au Super Bowl. Michael Phelps est devenu le plus grand athlète olympique de l’histoire en remportant 28 médailles, dont 23 d’or, lors de 4 Jeux différents. Usain Bolt est demeuré l’homme le plus rapide de la planète lors de trois Jeux olympiques consécutifs. Et 15 ans après avoir remporté son premier tournoi majeur, Roger Federer est parvenu à l’emporter aux Internationaux d’Australie au début de l’année. Le tennisman Suisse est maintenant âgé de 36 ans.
Peu importe la discipline sportive, atteindre l’élite mondiale n’est pas une mince tâche. Et s’y maintenir pendant une longue période tient presque du miracle. Peut-être encore plus au golf, où la plupart des épreuves vous opposent simultanément à 136, 144 ou 156 joueurs. (Dimanche à East Lake, Tiger Woods a remporté le Championnat du Tour, qui réunissait les 30 meilleurs joueurs au classement de la Coupe FedEx.)
Il y a un an, Tiger Woods occupait le 700e rang mondial et ne savait même pas s’il allait un jour pouvoir rejouer au golf. Puis en mars dernier, lorsqu’il a tenté un retour à la compétition après une énième intervention chirurgicale au dos (une fusion lombaire), il se disait simplement heureux de pouvoir terminer ses rondes sans ressentir de douleur.
Après quelques intéressants soubresauts en mars 2018 (une 2e place au Championnat Valspar) et en avril (5e à la Classique Arnold Palmer), Woods a semblé se faire solidement larguer par les jeunes vedettes du circuit de la PGA. À 42 ans, malgré quelques flashs occasionnels, son jeu manquait de constance et bien peu d’observateurs espéraient le revoir se hisser parmi la fine élite.
Puis après avoir raté la coupure à l’Omnium des États-Unis en juin, le Tigre s’est soudainement remis à rugir : lors de ses huit derniers tournois de la saison, il a compilé pas moins de cinq top 6. Il a ainsi bouclé la saison avec la 7e meilleure moyenne de pointage de la saison (69,35 coups par ronde).
Cette poussée exceptionnelle a été couronnée par cette victoire du week-end. Woods n’a pas remporté le dernier tournoi de la saison en revenant miraculeusement de l’arrière le dimanche après-midi. Alors que les enjeux étaient énormes (le gagnant de la Coupe FedEx empoche tout de même 10 millions), il a presque mené le tournoi de bout en bout.
Samedi, son neuf d’aller s’est avéré une véritable clinique de golf, alors qu’il présentait une carte de 22 (six oiselets) après sept trous. Il a par ailleurs cumulé les trois premières rondes de la compétition en calant à chaque ronde plus de 100 pieds de coups roulés alors qu’il y a quelques semaines à peine, il ne savait plus à quel fer droit se vouer.
Comme dans un film, sa magie sur les verts est réapparue au début de septembre lorsque, en désespoir de cause, il a ressorti d’une armoire le vieux putter Scottie Cameron avec lequel il avait remporté 13 de ses 14 victoires dans des tournois majeurs.
Dimanche, Woods a amorcé la ronde finale avec une priorité de trois coups. Il a accru cette avance à quatre coups en signant un oiselet dès le premier trou. Il a ensuite géré cette avance comme lui seul le sait, en évitant les erreurs et en pratiquant un style plus conservateur.
Les blessures, ses interventions chirurgicales et ses 1876 jours de disette (sa dernière victoire remontait au 4 août 2013) n’ont visiblement pas réussi à effacer son incroyable capacité à exécuter sous pression. Depuis le début de sa carrière, Woods a remporté plus de 92 % des tournois où il détenait la première place après les trois premières rondes de jeu.
Il faudra sans un certain temps pour bien mesurer l’ampleur de cette 80e victoire de Woods, à qui il ne manque plus que deux autres gains pour égaler le record de 82 détenu par le légendaire Sam Snead.
Samedi, le réseau NBC a enregistré ses meilleures cotes d’écoute des 20 dernières années pour la présentation de la troisième ronde du Championnat du Tour. Durant cette ronde extrêmement spectaculaire, les plus grandes vedettes sportives de la planète se sont emparées de Twitter pour souligner à tous ce qui était en train de se produire.
« Tiger Woods, je veux avoir ce que tu as pris pour déjeuner. C’est dément! », a notamment écrit le basketteur Stephen Curry.
Dimanche, le phénomène donnait l’impression de s’être multiplié par dix sur les réseaux sociaux. À la télé aussi, sans doute. On connaîtra les cotes d’écoute de NBC durant la journée de lundi, mais elles risquent fort bien d’éclipser les auditoires des quatre tournois majeurs de la saison.
Au 18e trou, alors que Woods marchait en direction du vert pour concrétiser son triomphe, des milliers de spectateurs frénétiques l’ont suivi dans l’allée et, à un certain moment, les services de sécurité ont semblé à un cheveu de perdre le contrôle de la situation. Une scène hallucinante.
Dans l’esprit des amateurs, l’histoire de Woods était jusqu’ici empreinte d’une certaine tristesse. Sa vie personnelle avait basculé après le décès de son père en 2006. Ses problèmes conjugaux avaient ensuite défrayé la manchette en 2009. Puis les blessures semblaient avoir enfoncé le dernier clou d’une carrière à la fois légendaire et cruellement inachevée.
À 42 ans, Tiger Woods vient de démontrer qu’il lui reste encore quelques bonnes années pour effacer ces mauvais passages et pour, peut-être, parvenir rédiger une fin digne de son immense talent.
Et surtout, à tous ceux qui tombent ou qui sont déjà tombés, il vient de servir une inoubliable leçon sur l’art de se relever.
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Source/Radio-Canada
Photo/Radio-Canada
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