WASHINGTON, DC – Il y a— à n’en point de douter—, quelque chose de présomptueux à vouloir dresser le bilan d’une administration si récente. C’est dans quelques jours seulement que Barack Obama aura laissé le Bureau Ovale; c’est prétentieux, me direz-vous avec raison, que de s’atteler déjà à inventorier son héritage. La proximité spatio-temporelle des 8 années de la présidence Obama (2009-2017), nous condamne à faire de la chronique journalistique, plutôt que de l’histoire scientifique, même si notre formation en histoire colorera forcément notre lecture de l’administration, dont nous nous apprêtons à camper quelques traits panoramiques. Pour y arriver, nous proposons au lecteur la méthodologie forcément réductrice suivante:

1- La symbolique; 2- La politique sociale interne; 3- La politique Internationale.

1- La symbolique
Incontestablement, le fait de la présidence d’Obama en soi (per se, diraient les latinistes) est un événement signifiant et significatif pour les Noirs des États-Unis et du monde entier. Quand on se rappelle que le Pasteur-Docteur Martin Luther King Junior, militant des droits civiques, a été assassiné en avril 68, — c’est-à-dire, à peine 40 ans avant l’élection de Barack Obama en 2008— parce qu’il réclamait le droit des Noirs à l’égalité, l’historien en nous peine à croire que le très célèbre discours (I have a dream) du Docteur King soit devenu réalité en l’instant d’à peine deux générations.

Pourtant, force est de reconnaitre que « The dream became true. Et, comme le dirait Paul Ricoeur, la symbolique est toujours porteuse d’une heuristique. Qu’un Noir soit devenu Président de la plus grande puissance du monde est un événement en soi. Cela a contribué à changer le regard que les Noirs portaient sur eux-mêmes et le regard que les autres portaient sur eux.

Désormais, les Noirs du monde entier font écho au « Yes we can» de Barack Obama, en disant à leur tour que tout est devenu possible: « Indeed everything is possible ». La présidence de Barack Obama est incontestablement une puissante, voire une très puissante, symbolique.

2- La politique sociale interne
Barack Obama entrera dans l’histoire comme le Président américain qui a hérité de la pire crise économique (2008) depuis la tristement célèbre crise de 1929. Pourtant— fait notable !— en l’instant de 8 ans, il a réussi à faire baisser le taux de chômage à moins de 5% (en juin 2016, il a chuté jusqu’à 4,6 %). Tout un exploit!

En outre, on n’oubliera pas non plus que malgré les péripéties politiques d’un Congrès hostile, Barack Obama a réussi à faire voter sa loi sur l’assurance maladie pour les moins nantis. En effet, le 30 mars 2010, l’Obamacare a été signé au Bureau Ovale, rendant ainsi possible l’assurance santé à près de 50 millions d’Américains (sur une population de 325 millions d’habitants).

Quand on sait que plusieurs avant lui ont tenté vainement de faire voter par le Congrès une telle loi (entre autres, Bill Clinton), le « Patient Protection and Affordable Care Act » (loi sur la protection des patients et les soins abordables), est un trophée à inscrire en lettres d’or au palmarès de Barack Obama.
De même, l’ère Obama a fait avancer la cause du mariage pour tous (selon la formule toute française). En effet, depuis le 26 juin 2015, le mariage homosexuel est reconnu juridiquement dans tous les États des États-Unis. En matière de politique sociale, c’est une grande avancée dans un pays qui accuse un conservatisme aux saveurs puritaines.

Toutefois, malgré la puissante symbolique qu’elle constitue, force est de constater que la présidence Obama n’a pas nécessairement fait progresser la cause des Noirs aux États-Unis. Certains prétendent même (à tort ou à raison?— L’histoire tranchera) que ladite cause a reculé à bien des égards.

Trop tôt pour prononcer un verdict définitif, puisqu’on ne s’entend même pas sur les critères de rendement ou de performance à considérer pour mesurer ladite cause. N’empêche que notre conscience demeure choquée par le nombre de Noirs abattus comme des canards sauvages, sous de faux prétextes, par des policiers blancs, lesquels ont été disculpés par un grand jury, composé en majorité de Blancs. À cet égard, les États-Unis de Barack Obama sont restés comme le dieu romain Janus: une face tournée vers l’avant; une autre face tirée résolument vers l’arrière, ou dans les termes d’Antonio Gramsci, « Le vieux monde se meurt, tandis que le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » C’est un singulier grand peuple!

3- La politique Internationale: les points d’ombre
S’il est un domaine dans lequel Barack Obama est très décevant, c’est à notre humble avis, en matière de politique internationale. C’est vrai que le ton a changé par rapport à l’ère Bush. La rhétorique—j’insiste, la rhétorique seulement— est moins manichéenne et moins polarisante ou antagonique. Dans les faits, cependant, Obama est un guerrier et un va-t-en-guerre comme les autres avant lui. En matière de guerre, il est même plus coriace que George Bush. Dans les faits (Ah, les chiffres! ), Barack a mené plus de guerres que son prédécesseur. Le New York times, qui lui est pourtant très sympathique, le reconnait en des termes lapidaires:

Les huit années de présidence Obama indiquent que « les États-Unis sont restés au combat en Afghanistan, en Irak et en Syrie jusqu’à la fin de son mandat […]. Il devient de façon assez improbable le seul Président dans l’histoire du pays à accomplir deux mandats entiers à la tête d’un pays en guerre». Franklin D. Roosevelt, Lyndon Johnson, Richard Nixon ou encore Abraham Lincoln ne peuvent pas en dire autant. En chiffres, voici les guerres d’Obama: la guerre en Afghanistan, les guerres menées par les drones au Pakistan, en Somalie, au Yémen, en Lybie, la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, ainsi que d’autres «missions de conseils et d’assistance», au Cameroun contre Boko Haram, et en Ouganda, contre la LRA de Joseph Kony.

Au regard de tout cela, le prix Nobel de la paix qu’on lui a décerné en 2009, est prématuré, immérité, voire usurpé. Le concerné semble le reconnaitre lui-même, puisque dans son discours d’acceptation en décembre 2009, il a dit candidement ceci:
L’humanité devait réconcilier deux vérités en apparence irréconciliables: que la guerre est parfois nécessaire, et qu’elle est aussi, à un certain niveau, l’expression de la folie humaine.

En terminant, trois autres points d’ombre doivent être portés au passif d’Obama:
La prison américaine de Guantanamo (foyer de violations de droits humains), malgré ses promesses, n’est toujours pas fermée. De plus, la cause des Palestiniens dans le sempiternel conflit israélo-palestinien n’a pas progressé dans les faits. Enfin, le monde n’est pas plus sécurisé, malgré ses nombreux drones.

Au regard de tout cela, Barack Obama aura-t-il été un grand Président? À vous de trancher. Un euphémisme sauvera peut-être la mise: ce n’était pas une présidence ordinaire…

Dr Jean Fils-Aimé, PH.D.

Photo/Archives
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