PORT-AU-PRINCE – Laure Bottinelli était en burn-out professionnel et personnel, lorsqu’elle a décidé, en mars 2015, de lancer Anacaona, son entreprise de recyclage de savon à Haïti.

PARTENARIAT
Comment mieux vivre dans un monde qui change ? Comment redonner du sens à son travail ? C’est pour vous aider à répondre à ces questions qu’Europe 1 s’engage concrètement auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Cet engagement s’incarne notamment par notre partenariat avec Ticket for Change, une start-up dont l’objectif est de changer la société par l’entreprenariat. Ticket for Change est un «facilitateur de projets», qui accompagne des entrepreneurs et aide les salariés à innover au sein de l’entreprise .A travers une série de portraits d’hommes et de femmes publiés sur Europe1.fr dans ce le cadre de ce partenariat, vous pourrez découvrir comment être un acteur du changement et redonner du sens à ses actions.

Ce portrait consacré à Laure Bottinelli a été publié en mai 2017 par Ticket for change. Cette entrepreneuse qui a lancé son entreprise de recyclage de savon à Haïti fait partie des plus de 400 projets qui ont émergé du Mooc* “Devenir entrepreneur du Changement” produit par Ticket For Change.

La 1 ère entreprise de recyclage de savons en Haïti

Laure Bottinelli est une dure à cuire. Après deux minutes de discussion, on ressent une grande force qui se dégage d’elle. Cette force, on comprend vite qu’elle a dû en avoir besoin pendant son parcours : Philippines, Madagascar, Sud Soudan… depuis des années elle travaille dans ces pays auprès d’ONG, notamment dans le domaine de l’accès à l’eau. Guerres, épidémies de choléra, zone Al-Quaïda : on peut dire qu’elle aura tout vécu. Des situations très dures, qui loin de la décourager, l’ont toujours poussée à vouloir aller plus loin dans l’aide qu’elle pouvait apporter à ces populations.

C’est ce qui l’a poussée à entreprendre. En 2015, elle était en Haïti depuis trois ans. C’est là qu’elle découvre le Mooc Ticket for Change et HEC, “Devenir Entrepreneur du Changement”. Passionnée et très informée sur les enjeux de protection de la santé publique, elle développe une idée d’entreprise autour du recyclage de savons pendant le Mooc. Elle décide de se lancer avec des certitudes fortes :

“L’humanitaire permet la survie mais ne permet de sortir un pays de la misère” : cinq ans après le tremblement de terre, il fallait sortir de cette logique d’assistanat.

“Je veux créer une entreprise” : depuis toutes ces années en ONG, elle ne voulait plus être dépendante des subventions, elle voulait une structure viable.

Anacaona était né.

L’aventure commence

Le principe d’Anacaona ? Recycler les savons des hôtels pour recréer des savons sains, éthiques et produits localement.
Anacaona, c’est une entreprise pour Haïti et par Haïti. Tous les ingrédients qui composent les savons sont locaux, ainsi que les matériaux des packaging et jusqu’aux étiquettes : “J’apprends au imprimeurs locaux à faire du powerpoint, c’est usant mais c’est comme cela aussi que l’on renforce les capacités locales”. Et les travailleurs bien sûr sont locaux : “le but à termes c’est de pouvoir léguer cette entreprise aux Haïtiens.” D’ailleurs, la 3ème associée d’Anacaona est Haïtienne.

Mais avant d’en arriver là, il a fallu travailler pour développer ce beau projet. “Dans le Mooc, on doit présenter son projet en une page à un moment, un résumé super visuel de sa mission, son modèle éco etc. Je l’ai fait en une nuit, à l’arrache. Et c’est avec ça que je suis allé démarcher les grands hôtels de Port-au-Prince.”

*Le Mooc “Devenir Entrepreneur du Changement”, qu’est-ce que c’est ?

Co-construit par Ticket for Change et HEC Paris, c’est un cours en ligne gratuit et accessible à tous conçu pour accompagner toutes les personnes qui veulent avoir un impact positif dans la société, mais qui ne savent pas comment agir. Quel que soit l’âge ou la formation académique, ce cours aide à trouver la voie pour faire bouger les lignes. Comment passer de l’envie à l’idée, et de l’idée à l’action. En 7 semaines, le cours propose de découvrir le secteur de l’innovation sociale, de s’inspirer par le témoignage de pionniers d’exception, de découvrir son propre potentiel, et de mettre en place les premiers pas de la création de son entreprise sociale.

C’est aussi à ce moment là qu’elle rencontre son associée, Mélanie, qui travaillait pour une autre ONG. En avril 2016, elles lancent une campagne de crowdfunding qui leur permet de tenir jusqu’à décembre, et en juin elles testent les premiers produits en vue de commencer la production en septembre.

Et puis ce sont les premiers recrutements : Laure a besoin de trois femmes pour récupérer les savons dans les hôtels. “J’ai recherché les femmes les plus “vulnérables”, celles qui auraient le plus besoin d’un travail pour subsister.” Trois femmes rejoignent donc l’aventure. “Elles sont merveilleuses : en octobre, l’Ouragan Matthieu est arrivé sur Haiti, j’ai donc été détachée par l’Organisation Mondiale de la Santé pendant un mois sur le terrain pour aider. On leur a donné les clés, on les a mises en charge et elles se sont incroyablement autonomisées, c’était génial !”

Depuis, les ventes ont commencé, dans les hôtels et boutiques locales, en ligne aux Etats-Unis et en France. L’organisation se structure, avec un stagiaire, et commence à travailler avec des écoles dans les quartiers les plus pauvres de la ville pour sensibiliser à l’hygiène et à la bonne utilisation des savons, afin de réduire le risque de maladies et d’épidémies.

Ses conseils pour se lancer…

1 –
Il n’y a jamais de bon moment pour se lancer donc il faut y aller : “Il y a parfois des moments de déclic, et le Mooc en a été un pour moi. Ce qui m’a motivée c’est de voir que j’étais dans les finalistes du Mooc, je me suis dit qu’il y avait un potentiel.”

2 –
Ne pas hésiter à être multi-tâches : “Il y a plein de choses que je ne savais pas faire et que je ne sais toujours pas faire mais je teste, j’essaye, et je me plante, ou je m’entoure de personnes qui savent mieux que moi.”

3 –
Ne pas écouter les gens qui essaient de te décourager : “Il ne faut pas trop écouter les énergies négatives. Je me réveille tous les matins et je nai que des problèmes : mais je considère que chacun de ces problèmes est une solution.“

… et pour durer
“Ce qui me fait tenir c’est de payer mes employées toutes les fins de mois. Tous leurs enfants sont scolarisés maintenant. Pour l’une, on a pu lui faire une avance sur son salaire et elle est en train de construire sa maison qu’elle a perdu pendant l’ouragan. On sent qu’on est utile.”

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Source/Europe 1
Photo/Europe 1
www.anmwe.com

Laure-Bottinelli