PORT-AU-PRINCE – A l’appel des églises protestantes, rejointes par d’autres secteurs organisés, plusieurs milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Port-au-Prince ce dimanche 28 février. Cette manifestation a été l’initiative de plusieurs associations de pasteurs du secteur protestant. Ils ont voulu exiger le départ de Jovenel Moïse et dénoncer les velléités dictatoriales de ce dernier. L’initiative a été supportée par les organisations politiques de l’opposition et de la société civile. Comme c’est le cas pour les différentes manifestations, les participants se sont rassemblés au Champ de Mars et au carrefour de l’aéroport, renommé depuis deux ans « Carrefour de la résistance ».

Aux environs de midi, les deux groupes se sont rencontrés et une véritable marée humaine a déferlé sur la route principale de Delmas. Certains fidèles protestants ont été remarquables avec leurs tenues vestimentaires (ils revenaient de l’église), d’autres portaient des t-shirt. Il n’y avait pas que des protestants sur le parcours de la marche de ce dimanche. Des fidèles d’autres confessions religieuses, notamment des catholiques, des vodouisants, mais aussi des non croyants, y étaient également. Tous réclamaient le départ de Jovenel Moïse qu’ils accusent de vouloir instituer une dictature dans le pays. Des personnalités politiques, notamment Moïse Jean Charles, Youri Latortue, Jean Renel Sénatus, Réginald Boulos étaient présent. L’écrivain Syto Cavé a également pris part à la marche.

Selon le maestro de chorale, Peterson, les chrétiens ne doivent pas rester muets alors que la situation du pays se dégrade. « Le pays va de mal en pis. Nous devons élever nos voix pour dire non. Nous devons dire non à l’insécurité, non au kidnapping, non à la mauvaise gouvernance. Généralement on dit que les protestants ne s’impliquent pas, ne se prononcent pas sur ce qui se passe dans le pays. Aujourd’hui nous voulons qu’on entende nos cris. C’est ce qui explique ma présence à cette marche », a-t-il dit.

Sa collègue Burgie Bellevue croit pour sa part qu’il est temps d’exiger un nouveau modèle de gouvernance. « Je suis frustrée. Je reçois quotidiennement de mauvaises nouvelles. C’en est trop. J’en ai marre d’être murée dans mon silence. Je marche aujourd’hui pour dire que je suis fatiguée du kidnapping, de l’insécurité. Nous voulons la paix. Nous voulons un meilleur système de santé. Il faut que les jeunes puissent aller à l’université. Comme protestante, je viens apporter ma contribution, je viens joindre ma voix à celles des autres qui réclament le changement. Il faut un changement total », réclame-t-elle.

Josena, une trentenaire rencontrée à Bourdon, t-shirt blanc, bicolore en main, demande à Jovenel Moïse de « donner une chance au pays ». « Nous sommes dans la misère, dans le chômage. Nos enfants ne peuvent pas aller à l’école à cause de la peur engendrée par l’insécurité. Nous demandons au président de nous donner une chance. Il ne peut pas gouverner. Qu’il laisse le palais et permette à quelqu’un d’autre de prendre les manettes », demande-t-elle.

Fede Mizaine, un motocycliste, a félicité l’initiative des pasteurs qui ont appelé leurs fidèles à manifester ce dimanche. « Je ne suis pas protestant. Mais j’ai voulu payer de ma présence. L’église est la force morale de la société. Sa voix doit être écoutée. Ce n’est pas que l’opposition qui estime que le mandat de Jovenel Moïse arrive à terme. C’est la société dans toutes ses composantes. Jovenel Moïse doit écouter la voix de la raison. Nous avons vécu la dictature. Nous n’allons pas accepter un retour à la dictature dans le pays », s’est-il emporté.

Helen Meagher La Lime dans le viseur des manifestants

Son nom a été sur toutes les lèvres et même dans certaines pancartes. Pour avoir affirmé que la manifestation du 14 février dernier n’avait réuni qu’un peu plus de 3000 participants, Helen Meagher La Lime a provoqué la colère des manifestants. Ce dimanche, ils ont invité la diplomate à révisé ses notes en arithmétique. « Aujourd’hui, La Lime doit être en train de dire qu’il y avait 3001 manifestants dans les rues. Elle ne sait pas compter», a ironisé un participant. Alors que la marche arrivait à l’entrée du quartier où loge le bureau du BINUH à Juvénat, un animateur a invité la foule à agiter les drapeaux et pancartes pour que la représentante du secrétaire général de l’ONU puisse faire « un meilleur décompte ».

La manifestation de ce dimanche a été totalement pacifique. Il n’y a pas vraiment eu de confrontation ni d’accrochage entre policiers et manifestants. Des manifestantes ont même offert des fleurs à des policiers au niveau de Delmas 40 B. Seulement quelques rares barricades de pneus enflammés ont été remarquées dans certaines rues. Toutefois, un drame est survenu à la fin de la marche. En effet, l’un des chars musicaux qui assuraient l’animation a dérapé, faisant plusieurs blessés notamment l’ancien candidat aux sénatoriales sous la bannière de Pitit Desalin, Muraille Jean Myrto.

Source/Le Nouvelliste
Photo/Robenson Geffrard
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